La naissance de Tomie
Junji Ito se fait donc connaître à la fin des années 1980 en proposant ses premières histoires dans le magazine d’horreur Gekkan Halloween. Le mensuel publie des shojo et il était évident pour l’artiste que ses œuvres devaient s’y trouver. Après tout, Kazuo Umezo, qu’il considère comme son maître, était également publié dans ce type de revue. Lors de la Master Class, il fit notamment part de sa surprise en découvrant que l’horreur n’était pas un genre destiné aux jeunes filles en France et qu’elles n’affectionnaient pas particulièrement ce type d’histoires. Lors de la publication de Tomie, il reçut de nombreux courriers de ses lectrices japonaises lui contant à quel point elles adoraient son personnage, libre et sûre d’elle.
« Certaines filles m’ont même écrit qu’elles aspiraient à devenir Tomie ».
Dans cette œuvre, il présente une lycéenne assassinée de manière effroyable par ses camarades de classe qui revient pourtant dès le lendemain dans son lycée comme si de rien n’était. Ou presque, puisqu’elle est là pour faire payer ses bourreaux. Elle ne tue jamais elle-même, préférant les pousser vers l’autodestruction.
Tomie se rapproche ainsi des onryō, ces esprits vengeurs cherchant à punir leurs ennemis pour réparer les torts subis et trouver l’apaisement. Mais cette sensation, la jeune femme à l’allure angélique ne la connaitra jamais puisqu’elle aura beau mourir, elle réapparaîtra toujours aussi belle. Acide, décapitation, démembrement, rien n’empêchera sa résurrection tandis que chacun des morceaux découpés donnera naissance à une nouvelle Tomie.
La créature n’est donc pas un spectre immatériel mais plutôt une entité surnaturelle épouvantable et abstraite. Est-elle pour autant une victime ? De figure tragique mutilée par la jalousie, le désir de possession et la haine, elle devient tour à tour une légende urbaine et une femme émancipée qui refuse de se soumettre.
