La Pop Asia Matsuri organisée par l’éditeur français Kana, s’est tenue le 18 et 19 décembre 2021 et pour l’occasion le mangaka Kousuke Oono a accordé une interview pour parler de La voie du Tablier.
Pourquoi êtes-vous devenu mangaka ?
Lors de mon choix de carrière, en fait, je me suis dit que je voulais un travail créatif. A cette époque, comme j’aimais les mangas, j’ai eu envie d’en écrire. C’est là que tout a commencé. Enfin, je crois. A l’époque je lisais Slam Dunk, Dragon Ball ou encore One Piece.
Comment vous est venu le pitch de La voie du Tablier ?
A mes débuts, je n’étais pas un mangaka connu. Je voulais me faire connaitre par un lectorat plus large. Pour ce faire, je devais trouver un personnage principal percutant.
Lors de ma recherche d’idée, j’ai pensé à combiner deux éléments divergents. J’ai donc réfléchi à une nouvelle approche. A l’époque, mon responsable d’édition m’a dit aimer les films de yakuzas. J’ai donc décidé que mon personnage principal en serait un et j’ai cherché ce qui pouvait créer un décalage. A ce moment-là, l’expression « femme au foyer » m’est venue assez vite. C’est l’aspect domestique qui crée la dissonance. J’ai rapidement décidé de combiner ces deux éléments.
Avez-vous eu des retours de vrais yakuzas ?
Non, jamais. [Rire] Alors… Sur YouTube, il y a une vidéo d’un ancien yakuza qui a lu mon manga. Je ne l’ai pas vue mais il aurait dit qu’en tant que fiction c’était assez amusant. Je n’ai jamais rencontré de yakuza attiré par ce style de vie.
Comment imaginez-vous les gags de La voie du tablier ?
Toutes les blagues de mon histoire sont tirées de bons plans de femmes au foyer. Je lis des livres et des magazines qui parlent de ménage ou de comment faire des économies, ce genre de chose. Puis j’imagine comment un ancien yakuza réaliserait ces tâches. D’abord, je réfléchis à une structure, puis j’écris mes gags sur le moment. Tant que l’action sied au personnage ça sera naturellement drôle.
Et je ne sais pas si ça va vous parler mais au Japon nous avons des émissions de sketchs, qui sont diffusées depuis longtemps. Je les adore. L’atmosphère et les gags de ces émissions sont ma principale inspiration.
Quel gag vous fait le plus rire ?
Je ne relis pas vraiment mes mangas. Mon passage préféré est dans le chapitre 6 du premier tome. On y voit un robot aspirateur. Comment dire, l’ombre du personnage est projetée dessus. Je ne sais pas comment la décrire de manière brève mais cette scène me plait, par son absurdité.
Entre Tatsu et Miku lequel vous ressemble le plus ?
C’est pas très drôle mais je suis entre les deux. Je ne suis pas aussi perfectionniste que Tatsu et je ne suis pas aussi désordonné que Miku. Mais mon côté logique et soucieux du détail se rapproche de Tatsu, je pense.
Pensez-vous au quotidien à vos personnages et à ce qu’ils feraient ?
Je n’y pense pas dans ma vie de tous les jours. Si je ne sépare pas ma vie privée de mon travail, j’ai tendance à fatiguer. Lorsque je réfléchis à des gags, j’obtiens des pistes par ce qui m’entoure, comme si j’avais un radar. Je n’y pense pas dans ma vie privée.
Vous attendiez vous au succès qu’a eu le manga ? Qu’avez-vous ressenti ?
Non, je ne m’y attendais vraiment pas et j’en suis très reconnaissant.
Je n’ai pas ressenti de pression, j’ai avant tout été très surpris. Mon manga est un condensé de la culture et de la vie japonaise. De plus, on me dit souvent que ma façon d’y introduire des gags est très absurde. C’est très particulier. Ça m’a étonné que mon manga fonctionne aussi à l’étranger.
Pourquoi marche-t-il aussi bien au Japon et ailleurs ?
Mon manga est absurde, mais je ne dessine pas des choses qui n’ont pas de sens. Au début je me suis appliqué pour qu’on voit les gags, sans forcément les lire, en regardant les images. Si les images parlent d’elles-mêmes, ça devient forcément plus facile à lire.
A l’époque, je pensais au Japon, je n’étais pas conscient du marché étranger. Je me suis concentré sur cette lecture par les images. Si je me souviens bien, pour le premier ou le deuxième chapitre, lors de leur mise en ligne, il y avait beaucoup de commentaires d’internautes étrangers. L’histoire a dû être transmise par mes dessins même si j’ignore quelle part de mon œuvre a réellement été transmise.
Une rencontre entre yakuza et mafieux étranger dans l’avenir ?
J’ai réfléchi à créer ce genre de personnage. J’ai pensé à la mafia chinoise, à la mafia américaine. Mais c’est un peu difficile pour moi d’en introduire pour le moment. En particulier si on parle de mafia européenne, je n’y connais rien.
De toute façon, c’est un manga humoristique donc je ne veux pas dessiner du sang ou des armes. Je ne veux pas écrire d’histoires violentes ou sanguinolentes. Cela apporterait beaucoup de tension, ce qui n’est pas propice aux blagues. Si je créais ce type de personnage, ça serait dans l’optique d’apporter plus d’humour.
Comment travaillez-vous la mise en scène ?
Je me suis inspiré des films pour la structure de mon manga. Je me remémore parfois des scènes pour trouver des idées. Les mangas japonais actuels sont assez cinématographiques. Les mangas traditionnels comme ceux d’Osamu Tezuka, ou Doraemon, ont une mise en page complètement différente. Aujourd’hui, les mangakas font attention au placement de la caméra. La mise en page dépend du plan choisi.
Afin de donner plus d’impact ou de mettre en avant le côté absurde, j’utilise différent plan. Tout dépend de l’intention. Je m’inspire donc des films.
Quel est le plus long à faire dans un chapitre ?
Sans surprise, le plus difficile pour moi, c’est de trouver un nouveau sujet pour chaque chapitre. Est-ce que ça va être la cuisine, les courses, le camping ? Un fois trouvé, j’essaie de rendre le sujet drôle grâce à mes personnages. Cette première étape est un peu comme un puzzle. C’est l’assemblage de ces éléments qui est vraiment cérébral. C’est difficile.
Quel format de publication préférez-vous ?
Avant sa version reliée, La voie du tablier n’était qu’au format web, qui est pensé pour une lecture sur smartphone. Je fais tout pour mettre le peu de dialogues qu’il y a en avant. Pour cela j’essaie d’avoir la place d’écrire avec de gros caractères.
D’où le peu de doubles pages ?
Je ne me l’interdis pas mais je n’ai jamais eu besoin. Comme je n’ai qu’un nombre de pages limitées, je n’ai jamais ressenti le besoin d’utiliser une double-page pour décrire une scène. Sur smartphone la double-page serait divisée. C’est un format assez réduit. Si je venais à dessiner une double-page, je devrais l’adapter aux smartphones.
Êtes vous tenté d’inclure des Easter eggs & cameos ?
A vrai dire, je ne peux pas le faire pour des raisons de droits d’auteur. Je ne peux pas le faire et je n’en ai pas vraiment envie. Je préfère ne pas dessiner d’hommages ou de parodies. Bien sûr, beaucoup d’auteurs le font mais je n’ai pas l’intention d’en dessiner.
L’interview de Kousuke Oono fut réalisée par la Pop Asia Matsuri et les éditions Kana, la retranscription ci-dessus fut rédigée par Kapp’Anime.
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