La Pop Asia Matsuri organisée par l’éditeur français Kana, s’est tenue le 18 et 19 décembre 2021 et pour l’occasion la mangaka Fujita a accordé une interview pour parler de Otaku Otaku.
Elle a ainsi répondu, en compagnie de Kaito Suzuki, son éditeur, aux différentes questions ci-dessous posées par la PAM.
Cachiez-vous que vous étiez une otaku et quel genre d’otaku étiez-vous ?
J’étais du genre à le cacher. Quel genre d’otaku étais-je ? Je me rapprochais un peu de Narumi, mais je n’étais pas aussi extrême qu’elle. Pendant ma période étudiante, j’étais une otaku qui était un mélange entre Narumi et Irutaka.
Je savais que j’étais une otaku, mais j’ai grandi sans amis otaku. J’ai grandi à la campagne, où il n’y avait même pas d’Animate. Et il y avait encore moins d’otaku qui aimaient dessiner. J’étais ce genre d’otaku.
Y-a-t-il des scènes que vous n’osez pas dessiner ?
Si j’ai arrêté d’écrire des scènes qui étaient trop orientées otaku ? Je ne suis jamais allée jusque-là. Si je me suis dit en écrivant que certaines personnes pouvaient être blessées par certaines choses, alors je ne les incluais pas dans l’histoire après en avoir discuté avec mon éditeur. Mais je ne me suis pas inquiétée de savoir si c’était trop orienté otaku…
Comment dire ? En réalité, eh bien… Même si des choses sont difficiles à comprendre pour les non otaku, quand les gens m’ont dit qu’ils s’étaient reconnus, ça m’a fait plaisir, et j’aimerais que les gens qui lisent se disent « Ah, il n’y a pas que moi ».
A quoi ressemblerait l’histoire si elle se passait en 2021 ?
Je pense que ces dernières années, il y a de moins en moins d’otaku qui ont honte ou se cachent. Le trauma ressentit par Narumi parce qu’elle est une otaku … Je pense que la probabilité de se faire larguer parce qu’on est un otaku a beaucoup baissé. Je n’écrirais donc pas la même histoire si je devais commencer maintenant.
Qu’avez-vous appris en 6 ans de publication de Otaku Otaku ?
Que c’est dur d’écrire un manga pendant si longtemps. Eh bien… Comment dire ? Comme je tenais à rester au goût du jour, à traiter de ce qui est à la mode … Les gens qui lisent le premier volume aujourd’hui doivent penser que le contenu est déjà dépassé. Pour écrire une histoire dans l’air du temps, il faut suivre la mode. J’écris depuis six ans et je trouve que la mode est facilement dépassée.
J’ai trouvé que la mode d’il y a six ans paraissait si vieille et je me suis dit que c’était risqué de parler de choses à la mode.
Saviez-vous tout du déroulement de l’histoire depuis le début ?
Ça vient en écrivant. Je sais à peu près où je veux aller depuis le début. Par exemple, Koyanagi et Kabakura sont un coupe qui se dispute sans arrêt, mais même s’ils se battent tout le temps, ils finissent par se marier. Je savais à peu près qu’ils allaient se disputer jusqu’à la fin.
J’ajoutais plus de querelles suivant la tension émotionnelle du moment et je lisais les avis des lecteurs sur Twitter, sur, par exemple, le genre d’échanges qu’ils attendaient pour ces deux-là. Et tout en prenant un peu la température, je remaniais mon histoire, en me disant que ci ou ça pourrait leur plaire.
Aviez-vous prévu l’intervention du frère depuis le début ?
Non, ça aussi… A l’époque, je publiais sur Twitter. Je voulais ajouter de nouveaux personnages, mais j’avais l’impression de le faire en plein milieu de l’histoire. Au début je n’avais pensé qu’aux personnages de Narumi et Hirotaka. Même Koyanagi et Kabakura n’ont été ajoutés qu’après. Les amis d’université par exemple n’étaient qu’une sorte de foule autour des personnages principaux. Ce sont des personnages que j’ai eu envie d’ajouter au cours de l’histoire.
Comment est né le format de Otaku Otaku ?
J’étais publiée dans un webzine et le nombre de pages n’était pas prédéterminé. Si je voulais raconter une histoire sérieuse, ça demandait plus de pages. Pour les gags, c’est le tempo qui prime, et on ne peut pas en faire sur un trop grand nombre de pages. La pagination dépendait donc du contenu, de ce que je comptais écrire.
Personnalité ou design en premier pour un personnage ?
Je pense à la personnalité pendant que je dessine. Je fais les deux en même temps. Je réfléchis à la personnalité et aux autres aspects en même temps qu’au visuel.
Kou, par exemple, est mon personnage le plus récent. Comme il va de pair avec Naoya qui a une personnalité très lumineuse, je voulais une personnalité à l’opposé, plus sombre. Nayoya a de grands yeux donc ceux de Kou sont en amendes. Je pensais le faire à l’opposé : réservé, mais mignon.
Qu’avez-vous ressenti en terminant la série ?
Ça a été difficile. Comme c’était la toute première fois que je travaillais sur une série aussi longue, c’était aussi la première fois que j’en finissais une. La manière de finir, je me suis inquiétée jusqu’au bout de savoir si ma fin était bien.
Le résultat final n’est pas celui auquel je m’attendais. Je me suis demandé si c’était toujours comme ça. Je me suis dit que ça se passait bien, même si j’improvisais en cours de route. Maintenant que j’y pense, ç’a été dur car il y avait beaucoup de pression, mais c’était aussi amusant.
Votre vision des mangas et des jeux vidéo a-t-elle changé en devenant mangaka ?
J’imagine qu’on s’attend à ce que je dise que j’utilise les mangas pour le travail. Mais pour moi, c’est l’inverse. Les mangas et les jeux vidéo c’est pour me relaxer, c’est un temps pour jouer et je lis des mangas qui n’ont rien à voir avec le mien, qui ont par exemple des scènes de combat, donc ça reste un loisir qui ne me sert pas pour mon manga. C’est vraiment pour me libérer l’esprit.
Comment s’est passé le « recrutement » de Fujita ?
Kaito Suzuki (éditeur) : C’est possible que la situation est changé, mais à l’époque, Otaku Otaku était n°1 sur Pixiv. Les mangas en série, les mangas commerciaux, publiés par les maisons d’édition sont différents des web-mangas. Les personnages sont intéressants, la forme est différente. Les auteurs font ces web-mangas parce qu’ils aiment ça. C’est donc facile pour les lecteurs d’aimer ça ensuite. S’ils aiment les personnages, ils vont vouloir soutenir l’auteur qui les écrit.
Tout le monde parlait de la série sur la plateforme, c’était vraiment celle qui ressortait le plus et j’ai trouvé son manga plus intéressant que d’autres déjà en vente.
Au début, elle écrivait seulement sur une page, c’était drôle et facile à lire, mais elle n’avait pas l’habitude d’écrire de longues histoires. Il a fallu faire des ajustements, surtout au début. On a beaucoup discuter pour qu’elle arrive à raconter une vraie histoire.
Du web-manga à la publication, comment l’avez-vous vécu ?
Fujita : Le 1er chapitre du 2ème tome a été le plus difficile.
Kaito Suzuki : Je pense que la qualité était au rendez-vous, même au début. Au début, tu étais peut-être un peu surprise.
Fujita : J’étais nerveuse. Jusque là, je n’avais écrit que ce que j’aimais. C’était la première fois que je sortais du web-manga pour une vraie publication. Je n’avais encore jamais écrit un manga de plus d’une ou deux pages, mais j’ai dû passer à un vrai manga de huit pages. Ma série n’était pas écrite comme ça, et j’ignorais comment rallonger l’histoire avec des gags mais sans en faire trop. J’ai beaucoup réfléchi à ce qu’on attendait de Otaku Otaku.
Kaito Suzuki : Il a fallu deux ou trois chapitres pour qu’elle arrive à s’adapter.
Fujita : Oui, il m’a fallu quelques chapitres avant de comprendre quoi faire. Au premier chapitre j’étais complètement perdue.
Kaito Suzuki : Ça a pris un peu de temps d’adaptation mais elle a fini par arriver à faire un manga plus long. Ce qui est aussi plus agréable et plus facile à lire pour les lecteurs.
Comment écrit-on une romance ?
Kaito Suzuki : Écrire un manga d’amour n’étais pas le but. C’est en ne pensant pas à écrire une histoire d’amour qu’on fait ressortir la légèreté.
Fujita : Oui, l’amour était un peu un sous-élément de l’histoire. Il vaut mieux ne pas essayer d’écrire une romance, selon moi.
Live Drawing
L’artiste a également réalisé un live-drawing dont voici quelques étapes.
L’interview de Fujita fut réalisée par la Pop Asia Matsuri et les éditions Kana, la retranscription ci-dessus fut rédigée par Kapp’Anime.
D’autres interviews en lien avec la Pop Asia Matsuri sont disponibles : Bonne nuit Punpun | La voie du Tablier | Ragna Crimson