À sa sortie, Instinct, le manga signé par Inoxtag et publié chez Michel Lafon, a su faire parler de lui. Pour cette incursion audacieuse dans l’univers de la bande dessinée, le YouTubeur s’associe à Basile Monnot, réalisateur du documentaire Kaizen, afin de développer un projet ambitieux, porté par les dessins de Charles Compain.
Pensée dès 2019, cette œuvre s’est accompagnée d’une stratégie promotionnelle impressionnante, allant d’une bande-annonce animée à une collection de vêtements dérivée chez Celio. Mais derrière ce déploiement titanesque, Instinct parvient-il à se hisser à la hauteur de ses ambitions ?
L’intrigue nous plonge dans un univers où sévit le Noctus, un virus qui renforce le corps et confère des pouvoirs sensoriels avant d’entrainer la mort. Haki, le protagoniste, est doté d’un don lui permettant de percevoir l’aura et les intentions de son entourage. Cette capacité, plus troublante que salvatrice, l’entraîne dans une succession d’événements dramatiques. Accusé de terrorisme et désormais infecté, sa rencontre inattendue avec une jeune femme semble être sa planche de salut.
Doté d’un concept accrocheur, ce premier tome présente un univers sombre qui s’enrichit au fur et à mesure d’éléments très familiers : un héros au destin singulier, des conspirations, une vengeance… Bien que cela puisse manquer d’originalité, le récit n’en est pas moins intriguant.
Cette apparente simplicité est en partie compensée par la présence de Haki. Loin d’être un héros infaillible, ce dernier conserve une humanité désarmante : naïveté, erreurs, égoïsme, et doutes lui apportent quelques nuances. Le personnage est bien construit, même si on peut regretter l’oubli de son pouvoir. Supposé être le cœur du récit, celui-ci demeure pour l’heure flou dans son importance et son utilité.
Du côté du dessin, Charles Compain livre un travail agréable à l’œil mais parfois contrasté. Son trait vif excelle tout particulièrement lors des scènes d’action tandis que plusieurs planches impressionnent par leur force visuelle. Le grand format du livre permet de pleinement profiter de son style mais révèle également ses limites sur certaines pages. Quelques cases pourraient en effet gagner en finesse tandis que le cadrage, très centré sur les personnages, empêche une immersion totale, laissant une impression d’inachevé.
Ces variations sont cependant loin d’être véritablement dérangeantes et témoignent davantage d’un premier projet que d’un défaut rédhibitoire. Il faut bien avouer que l’ensemble reste plaisant.
En conclusion, Instinct reflète autant l’ambition que la jeunesse de ses créateurs. Il est vrai que le manga s’adresse d’abord aux fans du vidéaste, en témoignent son pseudonyme qui s’impose sur jaquette et les easter eggs. Toutefois il pourrait tout aussi bien intéresser les amateurs de shōnen car ce premier tome dévoile un joli potentiel, tant sur le plan narratif que visuel. Et, si Inoxtag, Charles Compain et Basile Monnot parviennent à affiner leur œuvre, ils pourraient transformer cet essai en une réussite.