Le Clan des Poe de Moto Hagio est sans aucun doute l’une des séries emblématiques du shojo. Pourtant, elle fut longtemps boudée en France, avant d’être mise sur le devant de la scène par Akata.
XVIIIe siècle, quelque part en Angleterre… Edgar et Marybelle, enfants illégitimes d’un aristocrate, sont abandonnés au fond des bois… Ils sont alors recueillis par Hannah l’Ancienne, matriarche du mystérieux clan des Poe. Mais quelques années plus tard, le garçon découvre accidentellement le terrible secret de sa famille d’adoption : tous sont des Vampanella, des êtres immortels se nourrissant de sang humain. Et pour protéger sa sœur, il doit devenir l’un des leurs…
Poe No Ichizoku Premium Edition © 2019 Moto Hagio / Shogakukan
Alors que le mythe du vampire pourrait sembler surexploité, le manga ne se départit pas pour autant de son charme enivrant. Graphiquement marquée par les années, l’œuvre utilise les codes des shojos anciens, leurs décors fleuris et leurs yeux scintillants. Le vampire se détache de l’horreur au profit de l’esthétisme tandis que l’artiste s’affranchit du découpage académique pour offrir de magnifiques doubles pages, une narration limpide et de sublimes envolées lyriques. Exprimant toutes sortes d’émotions, qu’elle dépeint dans un mélange de joie, d’innocence, de mélancolie, de tristesse et parfois d’effroi, elle nous entraine dans un univers totalement inconnu et pourtant si nostalgique.
Le Clan des Poe, c’est aussi une histoire d’amour. L’amour avec un grand A. Mais aussi à l’amour qui ne survit pas, celui associé à la perte et au deuil.
Les ellipses, volontairement abruptes, témoignent alors de l’immortalité cruelle et finalement peu enviable qui ronge Edgar. Si le premier chapitre raconte les évènements importants de sa vie, les suivants enchaineront les aller-retours temporels. Ne distinguant jamais très clairement la réalité du rêve, le lecteur se laisse porté par ce récit empreint de poésie et par ces personnages évanescents.
Puis soudain, quelques passages se détachent de ces êtres fascinants pour s’attarder sur ceux qui ont pu croiser leur route. Malgré l’épreuve du temps, ceux-là gardent en mémoire une rencontre surnaturelle, terrifiante et pourtant si belle. Là où l’éternité peut être perçue comme un véritable poison, la vie éphémère est ainsi sublimée par ces instants vécus.
Inaugurant la collection Héritage, Le Clan des Poe illustre parfaitement l’ambition d’Akata qui souhaite combler un manque éditorial concernant les mangas patrimoniaux. De ce fait, la lecture de cette série sera sans doute liée à une volonté de découvrir des titres qui ont eu un impact et une influence sur le manga d’aujourd’hui. Ils ont peut-être vieilli et renvoient à des codes passés, mais ils ont cet intérêt historique qui leur donne une saveur toute particulière.