Après Les Enfants de la mer, le réalisateur Ayumu Watanabe et le Studio 4°C reviennent avec La chance sourit à Madame Nikuko, adapté du roman éponyme de l’autrice Kanako Nishi. Cette fois, l’histoire s’amarre dans un petit port de pêche pour partager le quotidien difficile d’une mère célibataire.
Entre déceptions amoureuses, déconvenues et récit initiatique, le scénario embrasse le point de vue de Kikurin qui observe sa mère dont elle épingle les moindres petits défauts. Il aborde ainsi des sentiments tout sauf évidents et peu explorés, comme la honte et la gêne qu’il est possible d’éprouver envers ses parents.
Ce regard si sévère et caricatural prend cependant tout son sens au travers du prisme de l’adolescence. L’acceptation de soi, de son corps, le rapport aux autres ou encore la tolérance sont autant de questionnements et d’expériences que cette jeune fille doit surmonter pour se construire et quitter l’enfance.
Derrière cette vision si dure, qui offre une réelle crédibilité au personnage, se cache également une véritable tendresse pour cette femme dont elle dissèque chaque détail. A l’opposé de la figure maternelle traditionnelle, madame Nikuko offre un modèle d’émancipation qui défit toutes les injonctions de la société nippone et une autre réalité : celle d’une mère en surpoids, naïve, parfois enfantine, ayant un faible pour la boisson et la nourriture mais qui n’a de cesse de se démener pour offrir le meilleur à sa fille.
Tantôt sérieux, tantôt décalé, le film marie à merveille les différentes ambiances sans pour autant se départir de sa profondeur ou de son intelligence. Tandis que l’animation s’adapte au propos, elle adopte généralement un rythme tranquille et un ton contemplatif adaptés à la quiétude de sa toile de fond pittoresque.
Derrière cet esthétisme à première vue simple, se cache finalement une foule de détails miroitants et partiellement en roue libre. La réalisation de Ayumu Watanabe se définit alors par une liberté visuelle et fantastique qui peut déstabiliser tout en étant étonnamment familière grâce à ses nombreuses inspirations.
Entre rire et émotion, le réalisateur prouve une nouvelle fois son talent et propose ici, une ode à la liberté par le biais d’un formidable portrait croisé d’une mère et d’une fille que tout oppose. Même si la narration accuse quelques faiblesses, notamment lors de son dernier arc peut-être trop précipité, La chance sourit à madame Nikuko se révèle être un véritable bijou. Loufoque mais aussi incroyablement pertinent il saura ravir tout spectateur à la recherche d’un moment d’évasion.